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A l’occasion de la sortie du 8ème et dernier tome du Journal d’Aurélie Laflamme, Moody [Take a book] et moi, vous proposons une interview de son auteure: India Desjardins.
Nous l’avons rencontré lors du Salon du livre et de la presse jeunesse en décembre dernier et avons passé un super moment!
India n’a pas hésité à répondre à nos questions et nous a confié tout le parcours qui l’a mené à Aurélie Laflamme puis à la Célibataire.
Je vous laisse découvrir tout ça! 🙂
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Hors interview
India :
J’en reviens pas que vous faites ça. Vous donnez de votre temps pour promouvoir les livres et tout ça, c’est tellement généreux. Moi j’en reviens pas, au Québec les gens ne font pas ça et vous avez un travail et vous prenez le temps de promouvoir les livres, c’est vrai, c’est incroyable.
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Mode interview on
Moody :
J’ai vu que tu étais journaliste…
India :
Dans le temps…
Moody :
Et comment, as-tu glissé vers Aurélie?
India :
J’écris depuis que je suis toute petite, et puis je suis devenue journaliste parce que j’avais jamais pensé à devenir auteure même si j’écrivais toujours naturellement. Et je suis devenue journaliste pour un quotidien montréalais, les magazines féminins et un magazine pour ados qui s’appelle Cool.
Le magazine Cool c’est un de mes premiers contrats, quand j’ai commencé à travailler pour le magazine Cool, j’ai eu envie d’écrire de la fiction. C’est pas que je m’ennuyais en tant que journaliste mais écrire de la fiction me manquait. Et là j’ai proposé au magazine Cool de faire une chronique pour les ados, une fiction qui serait un journal intime et qui s’appellerait le Journal de Marie Cool qui deviendrait un peu la mascotte du magazine.
Et ce qui m’avait donné l’idée en fait, c’était que j’avais toujours écrit un journal intime dans mon adolescence, et même au début de ma 20aine, et quand j’étais petite j’avais lu un livre qui s’appelait Le journal secret d’Adrien, 13 ans 3/4. Je pense que c’est ce qui m’a inspiré mon ton humoristique dans mon propre journal et puis j’ai commencé ça au magazine Cool et j’aimais tellement écrire ça que je me disais « C’est ça que j’aimerais faire tous les jours ».
Quand j’écris ça, j’aime me lever le matin pour écrire donc j’ai cherché les moyens de faire ça tous les jours. Donc j’ai délaissé un peu mon travail de journaliste et j’ai pris des contrats à la pige seulement pour payer l’essentiel: mon loyer, mes comptes, ma bouffe. Et j’ai écrit mon premier roman qui s’appelle Les aventures d’India Jones, qui est un peu un clin d’oeil à Indiana Jones et à Bridget Jones, qui était du chick-lit . Ensuite je suis revenue à ce que je faisais dans le magazine Cool et qui est plus près de moi et donc j’ai eu l’idée du Journal d’Aurélie Laflamme.
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Quand j’ai écrit Les aventures d’India Jones, ça s’est super bien passé au Quebec, il y a eu une bonne réception. Et j’allais écrire la suite mais j’ai eu une embolie pulmonaire et j’ai faillit mourir. J’avais une chatte qui s’appelait Sybille et elle avait 18 ans et pendant que j’étais à l’hôpital pour mon embolie, Sybille se laissait mourir. Et quand je suis revenue de l’hôpital, elle a recommencé à manger mais elle n’a pas repris assez de forces et elle est décédée. ça m’a fait beaucoup beaucoup de peine et puisque j’ai été en contact avec la mort à ce moment là je me suis questionnée sur comment les jeunes vivaient leur questionnement existentiel sans les repères spirituels qui pouvaient exister dans d’autres époques. Et Aurélie Laflamme est apparue dans ma vie, dans ma tête, 14 ans dont le père était décédé à 9 ans et dont la mère n’a pas été capable de lui donner une belle image de la mort. Et puis, dans les romans fantastiques, les héros se battent souvent contre des monstres et j’avais envie de faire une héroïne qui se batte contre les monstres et les dragons du quotidien et c’est vraiment comme ça qu’elle est née.
Le tome 8 est sorti l’année passé au Québec et pendant que je l’écrivais, j’avais de la nostalgie, un peu de tristesse mais quand il est sorti, je ne m’attendais pas à avoir un grand deuil à faire parce que là ça faisait 10 ans j’écrivais le journal intime d’un ado comme dans le magazine Cool mais là je n’avais plus ça à écrire donc ça a été très difficile l’an dernier de me lever le matin et de ne pas avoir ça à écrire. J’avais prévu depuis le début de faire 8 tomes et pour moi c’était important de respecter l’histoire que j’avais en tête.
Moody :
Donc aucune chance d’avoir un autre tome d’Aurélie?
India :
Ce que j’ai pensé c’est dans 10 ans, faire un retour. Un tome retrouvailles. Mais pour moi l’histoire elle a un début et une fin, c’était prévu depuis le début puis pour moi, continuer aurait été mal envers mon histoire, les lecteurs, mon personnage. Donc c’était important pour moi d’arrêter à la fin que j’avais prévue depuis le début.
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Tessa :
Les expressions d’Aurélie, comme « titilititi », « mui mui mui mui mui » et « rapport?! », ça vient d’où?
India :
Pour moi, quand je suis en amour, mon cerveau il existe plus… Titilititiiii… ça remplace tout vocabulaire!
Mui mui mui mui mui… ça c’est pour quand quelqu’un parle et que tu veux l’imiter… Avec mon ex, quand on disputait, c’était souvent que quand un de nous avait un meilleur argument que l’autre, c’était le seul argument qui y’avait: « Mui mui mui mui mui ».
Et « Rapport ?! », ça c’est une expression qu’on disait beaucoup dans mon adolescence. Je pense que dans la version française ils l’ont enlevé mais dans en québécois il y a Meh pour « Meh rapport?! ».
Je suis contente parce qu’il y a des choses comme ça qu’ils ont gardé de la version québécoise à la version française et ça vient vraiment de moi, de comment je m’exprime ou que je veux exprimer mes émotions.
Tessa :
Justement oui, ça fait plus naturel de sortir des petites expressions comme ça, qui peuvent nous passer par la tête.
India :
Oui c’est ça!
J’avais un ami auteur au Québec qui dit: « Moi aussi je peux écrire des romans pour ados, je vais juste mettre des onomatopées! »
Moody :
Du coup pour Aurélie, tu t’es inspirée de votre histoire? Comme Sybille qui fait partie de l’histoire…
India :
Oui, Sybille, avant qu’elle décède, j’avais promis de la faire revivre dans une histoire donc pour moi vraiment, c’était pour la faire revivre dans des livres.
Aurélie, ce n’est pas moi mais elle vient beaucoup de moi. Et je suis partie de toute ma timidité, ma maladresse, de toutes les émotions que j’ai de la misère à contrôler. Je suis vraiment partie de ça pour créer un personnage et pour lui créer une fiction. C’est vraiment pas ma vie, je n’avais pas autant d’amis qu’elle, elle a ses amis à elle qu’elle a choisi mais pour moi c’est super important de faire une quête existentielle. Dans le tome 5 avec la quête de la popularité, je trouve que chez les jeunes aujourd’hui surtout…
Moody :
On passe forcément par là!
India :
Oui, les jeunes ont l’impression que l’accomplissement passe par la popularité, alors que c’est pas vrai. L’accomplissement passe par être soi-même et trouver sa propre route. Aurélie c’est vraiment une quête personnelle et il y avait des valeurs super importantes que j’avais envie de mettre dans Aurélie; comme la solidarité parce que dans ce que je vois, dans ma vie à moi, les femmes sont très solidaires. J’aimais mieux mettre en valeur une amitié féminine qui se passe bien même si y’a des petits couacs. C’est comme le personnage de J-F qui est homosexuel, je voulais un personnage pour qui ça se passe bien et souvent on voit l’homosexuel pour qui ça se passe pas bien alors que ça existe des personnes pour qui ça se passe bien.
Tessa :
Le premier tome a été adapté en film, ça t’as fait quoi quand on est venu te dire que le projet était envisagé?
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India :
Au Québec on n’a pas beaucoup de sous pour faire des films donc c’est pas comme aux Etats Unis, où quand un film est adapté il y a des gros montants. Au Québec donc c’est vraiment fun. Je suis vraiment contente qu’il ait été adapté et j’aime beaucoup l’adaptation qui a été faite. En fait, tout ce qui se passe avec Aurélie, je m’attendais pas à ça. Tu sais, j’avais de la peine, j’avais été malade, mon chat était mort, j’étais en pyjama chez nous et j’ai commencé à écrire parce que j’avais plein d’émotions dans mon coeur. J’aurais jamais pu m’attendre à ce qui y ait un film, ou à venir ici.
C’est la troisième fois que je viens en France, que je rencontre des gens et que finalement je revois, avec qui je m’entends bien. La première fois que je suis venue à Paris, j’ai vu mon livre dans une librairie. Jamais je pouvais m’attendre à ça, comme aujourd’hui il y avait plein de monde qui m’attendait à mon kiosque. Je suis encore la fille qui écrit en pyjama chez elle, donc je m’attendais pas à tout ça. Le film est une autre belle surprise.
Ce qui est drôle c’est qu’au Québec, des immigrants lisent Aurélie parce que ça les aident à apprendre le français parce que c’est une lecture facile. Et il y a même une dame qui parle hébreux qui est venu me dire que Aurélie en hébreux ça veut dire « ma flamme ». Donc c’est comme si j’avais appelé mon personnage « Maflamme Laflamme »! Ce qui m’a touché dans ce que cette femme m’a dit c’est qu’Aurélie m’est apparue dans un moment où moi j’avais besoin d’une flamme. Elle a été et elle est encore ma flamme. C’est ça qui a été le plus dur, d’arrêter, mais ce qui est chouette c’est que ça continue ici même si ça va finir encore. Mais c’est lu dans d’autres pays et pour moi elle m’a amené tellement de belles choses: je serais peut être jamais venue ici à Paris. J’ai fait des sacrifices pour pouvoir écrire des livres: ma soeur habitait à Londres mais j’avais même pas assez d’argent pour aller la voir parce je devais manger. Aurélie m’a amené à voyager, et aujourd’hui avec la Célibataire ça m’a permis de rencontrer Magalie, l’illustratrice, elle est devenue une super grande amie. Sans Aurélie j’aurais jamais eu ça, elle porte bien son nom même s’il m’est apparu comme un flash dans la tête, ça m’a touché quand cette dame là m’a dit ce que ça voulait dire.
Moody :
L’envie de faire une BD est venue de toi ou est-ce que tu connaissais Magalie et que vous vouliez faire ça ensemble?
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India :
Ce qui est arrivé en fait, c’est que la première fois que je suis venue ici il y a 2 ans, je rencontre un soir tout l’équipe de la maison d’édition et on discute. Je leur dis que pour Aurélie, je prends des notes qui parfois sont un petit peu plus adultes et qui s’insèrent mal dans l’histoire. Vous en France, vous avez des BDs féminines et au Québec on n’a pas ça. Je suis tombée dessus une fois, y’avait une BD assez girly et je me suis dit « Wouah, ça existe », c’était une histoire qui se suivait et j’ai eu envie de faire ça avec les anecdotes que j’ai de ma vie de célibataire. L’éditeur m’a dit que ça les intéressait et à partir de là ils m’ont présenté des blogs et j’ai un coup de coeur total pour Magalie. Ils lui ont demandé de faire des essais et c’était même encore mieux que dans ma tête. Donc l’an passé, alors que j’étais complètement en deuil d’Aurélie, on a travaillé là-dessus donc ça m’a permis d’avoir un projet qui reste fidèle à moi-même parce que c’est mon humour, un personnage un peu maladroit, peu doué pour la séduction mais plus adulte donc ça reste fidèle en étant différent parce que je me disais qu’après Aurélie, je pourrais pas avoir assez de distance pour écrire un roman qui est pas comme Aurélie donc je ne voulais pas vivre ça. Là on ne peut pas comparer. Travailler en équipe avec une illustratrice, ça a été super aussi parce que pour Aurélie Laflamme, je travaillais seule. Avec Magalie, ça permettait de moins être seule dans mon « Oh non, je n’ai pas de Aurélie à écrire! » et que j’ai de la peine, donc j’ai vraiment aimé faire ça. Je trouve important quand j’écris un livre, d’avoir quelque chose à dire et pour Aurélie j’avais quelque chose à dire sur l’adolescence, pour La Célibataire j’ai des choses à dire sur les célibataires.
Moody :
Les anecdotes sont vraiment pas mal! J’ai bien rigolé ce matin quand je l’ai lu!
Tessa :
En fait, je trouve que ça pourrait être Aurélie adulte!
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Moody :
C’est ça!
Tessa :
Parce qu’on retrouve le même univers, les mêmes godouilleries par moment et ça pourrait vraiment être elle adulte.
India :
C’est la preuve que mes personnages viennent de moi. Si j’avais essayé dans un roman, ça aurait été trop Aurélie adulte mais là ça va.
Tessa :
Est-ce que Magalie a participé à la trame ou est-ce qu’elle a juste illustré le scénario et les idées.
India :
En fait, moi j’ai écrit le scénario. Elle, elle a illustré. Mais on a travaillé beaucoup en équipe. C’est à dire que elle pouvait me donner son avis sur les scénarios et moi je pouvais lui donner mon avis sur les illustrations. ça fait qu’on a été une équipe très soudée et on a eu une grande complicité, on a beaucoup travaillé ensemble. Beaucoup de gens on dit qu’on dirait que c’est écrit par la même personne qui illustre donc on est vraiment contentes. Au début, Magalie m’a dit qu’elle n’écrivait pas et moi que je ne dessinais pas et puis on n’a pas essayé de faire le travail de l’autre. Sauf que elle, elle a un avis, moi j’ai avis donc ça peut juste améliorer la création. ça a vraiment été génial. Elle est même venue à Montréal. On a travaillé à distance par courriels! Et là de se rencontrer et de passer un peu de temps ensemble, on voit pourquoi il y autant de complicité et on était amies tout de suite.
Je ne voulais donné de nom au personnage, c’était une façon de prendre une distance avec ce qui se faisait mais aussi avec Aurélie Laflamme et donc pour moi ça peut être n’importe quelle célibataire. Magalie m’a demandé ce que je voulais comme décor. Des décors québécois ou français? Et donc je lui ai demandé si on ne pouvait pas faire un mélange des deux vu qu’elle est française et moi québécoise, on pourrait s’amuser un peu avec ça et la mettre on ne sait pas où. Magalie a donc dessiné des décors qui font très montréalais et d’autres très français et y’a un pub québécois qu’elle avait dessiné, qui était dans le scénario. Quand elle est venue au Québec, elle m’a dit « Oh mon Dieu! Je ne savais pas que ça existait! Je pensais que tu avais inventé ça dans le scénario. » et en fait, elle l’a dessiné exactement comme il existe! C’est là qu’on s’est dit qu’on faisait de la télépathie. Elle, elle l’a dessiné juste comme un bar alors que c’est exactement ça.
Tessa :
Est-ce qu’il va y avoir un tome 2 de la BD : La Célibataire?
India :
Oui on est en train de travailler dessus en ce moment! Ce qui se passe c’est que Magalie et moi, vu qu’on s’est vues pendant deux semaines à Montréal et là on se voit quelques fois ici, on brainstorme ensemble, ce qu’on n’a jamais fait! ça va amener quelque chose d’autre au tome 2. Je suis vraiment contente de faire ce tome 2 comme on a aimé travailler ensemble et je suis pas prête à écrire un autre roman. Là j’ai trouvé une petite équipe que j’aime. J’espère que ça va aider d’autres BDs françaises à être importées au Québec vu qu’on n’a pas cette culture de la BD.
Moody :
Sinon, j’aurais juste voulu savoir si tu avais une passion pour l’adoucissant et le chewing-gum au melon?
India :
Le premier gars que j’ai « frenché » il avait un goût de gomme à la framboise et c’est… un goût qui est bon! Mais ces gommes là n’existent plus alors je me suis dit: « c’est quoi le goût que j’aime » et donc j’ai pensé au gommes au melon. Et puis les gars ont toujours une odeur d’assouplissant, hum… ça sent bon! Et c’est toujours le même: l’assouplissant introuvable.
Tessa :
Oui, comme Aurélie qui cherche l’assouplissant dans les rayons!
India :
Oui! Donc ça vient de là.
En fait, ce que j’ai voulu amener avec Nicolas c’est l’amour qui te fait flancher les jambes.
Moody et Tessa :
Merci beaucoup!
India :
Merci à vous, de prendre de votre temps comme ça!
Sympa ! 🙂
Ca me donne envie de sortie Aurélie de ma pal …
Super, cette interview…j’adore cette auteure!!!!
Merci ^^